De quelques on-dit et on-fait
« Je t’aurais fait trancher la tête, j’aurais coupé ton corps en quartiers que j’aurais ensuite fait suspendre en divers endroits pour servir d’exemple et d’épouvantail aux tyrans. » Don Christophe de Gama, fils de Vasco de Gama, répondant au conquérant musulman de l’Éthiopie, l’imam Ahmad Guray qui venait de le capturer et lui avait demandé quel sort il lui aurait réservé s’il l’avait capturé.
Sur quoi Guray lui fit trancher la tête, fit couper son corps en quartiers qu’il fit suspendre en divers endroits. C’était en 1542.
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«… nos loix sont comme toille d’airaignées : or sà ! les petits mouscherons et petits papillons y sont prins, or sà ! les gros taons les rompent, or sà ! et passent à travers, or sà !» [« Nos lois sont comme des toiles d’araignée ; les petits moucherons, les petits papillons y sont pris ; les gros taons les déchirent et passent au travers ».] Rabelais, Le Cinquiesme Livre, chap. XII. Il semble que cela a toujours été ainsi et le sera toujours.
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Dans « Apostrophes », émission du 16 nov. 1984, sur « la mémoire politique », Michel Jobert dit que dans les années 1970, du côté du pouvoir « personne ne voulait de l’alternance, n’admettait même le principe de l’alternance. Aujourd’hui c’est admis… En 80, ça ne l’était pas ». Nous parlons bien de la France.
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En 1490, personne, de la côte de Guinée à la mer Baltique, du Monomotapa au Cipango (Japon) n’aurait pu savourer : des mangues, du gingembre, du manioc, des arachides, des pommes de terre, des patates douces, des tomates, des ananas, des papayes, des goyaves, des avocats, des noix de cajou, du chocolat, du tabac. Personne, en Amérique, ne connaissait le café ni le thé. En Afrique, les plantes comestibles comprenaient alors des produits exotiques comme les bananes, les grenades et les figues. Au Sahel, on cultivait des melons et des concombres, de la canne à sucre, des aubergines, de l’ail et de l’oignon, certains pois de terre proches de l’arachide, des choux et des navets, des souchets, du citron. En dehors, bien sûr, des sempiternelles céréales d’Afrique, le mil et le sorgho. La zone du fleuve Niger est l’une des régions de domestication du riz.
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Lu dans Esquire (magazine new-yorkais), d’un David McCullough : « Nothing ever happened in the past, only in the present. The difference is it was somebody else’s present, not ours. » [Rien jamais n’est arrivé dans le passé, seulement dans le présent. La différence, c’est que c’était le présent de quelqu’un d’autre, pas le nôtre].
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L’homme n’est que du temps—et c’est pour cela qu’il a (parfois) rêvé Dieu, qui n’est pas du temps, qui est là, toujours et maintenant. Si je disposais de l’éternité, je serais nécessairement tout puissant. C’est l’élévation à l’infini de la chance infime qui m’est donnée, en à peu près une centaine d’années d’existence décroissante, d’arriver à quelque chose qui prouve que j’ai existé—dans le temps. Mais nous avons pour apanage l’impuissance et l’oubli. Briller faiblement au-delà des siècles, par quelque trouvaille, par quelque carnage, par quelque pensée, comme ces étoiles éteintes dont le temps nous apporte la lueur, avant l’oubli inévitable, c’est le lot de quelques-uns au sein des générations anonymes. Substance périssable, nous nous représentons un être impérissable, et donc tout puissant, qui habite le temps comme une infinité de possibilités. Nous concevons Dieu, et nous tombons à genoux.
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Œdipe : il se creva les yeux pour ne plus voir ce qu’il n’avait pas vu, et c’est alors seulement qu’il vit tout, mieux.
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« La persécution dit toujours : « Je connais les conséquences de votre opinion mieux que vous ne les connaissez vous-mêmes ». Mais le langage de la tolérance a toujours été amical, libéral et juste : il avouait ses doutes et reconnaissait son ignorance […]. La persécution avait toujours raisonné de la cause à l’effet, de l’opinion à l’action, [qu’une telle opinion conduirait invariablement à une seule action], ce qui s’est avéré généralement erroné ; tandis que la tolérance nous a invariablement conduits à tirer des conclusions justes, en jugeant d’après les actions et non d’après les opinions… » Charles James Fox, discours aux Communes, 2 mars 1790.
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Le désir est toujours en excès par rapport au réel : c’est cela même qui fait qu’il est désir, et ne peut être épuisé par le réel. Il n’y a pas de désirs satisfaits, seulement des désirs vaincus, ou oubliés.
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Des armateurs négriers, éclairés, lecteurs de l’Encyclopédie, baptisèrent leurs vaisseaux de traite le Jean-Jacques et le Contrat social. « L’inconscient », disait Freud, « ignore la contradiction. »
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Le passé est unique, en dépit du fait qu’on peut en faire des interprétations multiples (regrets) ; et le futur est multiple, en dépit du fait qu’on n’en fait qu’une interprétation (projet).
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La reine Micomicona, tenant ses États en Guinée ou en Éthiopie, allez savoir, demande à Don Quichotte de l’aider à retrouver son trône, et Sancho qui pense que son seigneur va épouser la reine et songe aux vassaux qui lui échoiront de ce fait, se dit qu’ils seront nègres et s’en désole. Mais, se dit-il : « Eh ! Que m’importe, après tout, que mes vassaux soient des nègres ? Qu’ai-je à faire, sinon de les emballer et de les charrier en Espagne, où je les pourrai vendre à bon argent comptant ? » (Don Quichotte, I, xxxix, stratagème de Dorothée et du barbier).
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« Lorsque la femme était faible, l’homme écrasa ses droits, les méprisa, les traita avec dédain et foula au pied sa personnalité. Ainsi la femme vécut dans une déchéance profonde, quelle que fût sa place au sein de la famille, qu’elle y fût épouse, mère ou fille, sans aucun rôle, sans considération aucune, sans opinion, soumise à l’homme, parce qu’il était l’homme et qu’elle était femme. Sa personnalité alla se dissolvant dans celle de l’homme ; et son existence se replia dans les coins isolés des maisons ; elle eut l’ignorance, le voile des ténèbres pour apanage, et l’homme l’utilisa comme instrument de plaisir, jouant avec elle quand il le voulait et la rejetant à la rue quand il en décidait ainsi. À lui la liberté ; à elle, le servage. À lui, la science ; à elle, l’ignorance. À lui, la raison ; à elle, l’imbécillité. À lui, la lumière et l’espace ; à elle, l’obscurité et la prison. À lui, la décision et l’interdiction ; à elle, la soumission et la patience. À lui, toutes choses dans l’existence, alors qu’elle n’était qu’une partie de tout ce dont il s’était emparé !
C’est, pour l’homme, mépriser la femme que de remplir sa demeure d’esclaves blanches et noires, ou d’épouses nombreuses, allant vers celle qu’il choisit, poussé par le désir, conduit par la soif d’amusement et le penchant à la satisfaction voluptueuse, sans tenir compte de ce que la religion lui impose en matière de bonne foi et de justice dans l’action. (…)
C’est, pour l’homme, mépriser la femme que de lui interdire la vie publique et toute participation aux choses qui l’intéressent. C’est pourquoi elle n’a guère d’opinion dans les affaires, d’idées sur les différents milieux sociaux, de goût en matière d’art, de place dans les questions générales, de rôle dans les croyances religieuses, pas plus qu’elle n’a de vertu nationale, ni de sentiment communautaire. » Qassem Amin, Tahrir al mar’ah (« La Libération de la femme », 1899).